Pucelle tome 1 : Débutante
Plate-forme : Bande Dessinée
Date de sortie : 15 Mai 2020
Résumé | Test Complet | Images
Editeur :
Développeur :
Genre :
Bande dessinée
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Redaction


8/10

Scénario et dessin : Florence Dupré la Tour

Résumé : Depuis sa plus tendre enfance, Florence ignore tout ce qui se passe... en-dessous de la ceinture. Elle imagine que le papa met la petite graine dans le nombril de la maman, et puis de toute façon, il est tacitement interdit, dans la famille, de parler de « la chose qui ne doit pas être dite ». Alors... Florence imagine des scénarii terribles, parfois idiots ; Florence s'angoisse devant le poids de la tradition qui place inéluctablement la femme dans une position inférieure ; Florence, à sa façon, résiste pour ne pas sombrer.

Si Nicolas Juncker fait abstraction des bouches, Florence Dupré La Tour néglige le nez de ses personnages. Il y aurait peut-être un travail analytique à conduire sur ces amputations. Mais l’auto-analyse, c’est déjà le sujet de Florence, qui continue de gratter l’os après Cruelle en dressant le portrait peu amène du cercle familial. Drôle de tribu minée par le patriarcat et le rigorisme religieux. Le père gagne plein d’argent, il travaille beaucoup, il est très soucieux, son épouse pond et s’occupe de la progéniture. Après une première vie d’expatriés en Argentine, ils s’installent pas loin de Troyes dans un immense domaine campagnard, à l’écart des mauvaises influences. Florence et sa jumelle Bénédicte en feront leur royaume. Les parents n’ont pas vraiment peur que vous vous perdiez dans les bois ou chutiez d’un arbre, ils sont par contre tétanisés à la seule évocation de l’entrejambe, ce qui s’y passe, ce qu’on en fera un jour. Ils éludent les questions que vous posez à peine. De quoi susciter bien des fantasmes chez Florence qui, non contente de ne rien comprendre aux choses de la chose, se trouvera bientôt moche, adolescence oblige. Florence manque de confiance en elle, manque d’informations, manque de considération et manque de zizi. Dans une famille où le sens du vent est indiqué par le sexe masculin, c’est un vrai déficit. Il aura d’ailleurs fallu attendre plusieurs naissances avant que Dieu, dans son infinie miséricorde, nous accorde un mâle. Pas de Femme en qui s’identifier dans le panorama familial et culturel. La mère ? Faible. La grande personnage historique ? Inexistante (sauf Jeanne la pucelle, encore une femme caractérisée par un manque). L’héroïne de papier ? Secondaire. Pour exister et se singulariser, Florence la rebelle s’accroche à ce qu’elle identifie comme n’étant pas des attributs féminins : le courage, les cheveux courts. Une cruauté conjuratoire : les bestioles du domaine en font les frais. Surtout, ne pas devenir femme. Rester dans l’entre-deux de l’avant puberté autant que faire se peut, jusqu’aux premiers poils, jusqu’au premier sang. Parce qu’après, on fait quoi ? Et ce livre sur le manque, sur l’incommunicabilité, où la seule boussole reste la complicité et l’amour immédiat des deux jumelles, déverse la colère, celle de l’enfant comme celle de l’adulte qui se dessine en colère, parce qu’on aura volé trop de temps pour la compréhension du monde et l’acceptation de soi.

VERDICT

-

Florence Dupré La Tour ne se départit pas d’un rictus qui donne à sa colère le goût de la farce. Pucelle confirme la place majeure qui est la sienne dans la bande dessinée contemporaine, entre le choc Carnage (Mauvaise Foi, 2019) et la claque Sugar Daddy, dont la prépublication dans Mon Lapin Quotidien (L’Association) suit son cours.

© 2006-2024 PlayAgain.be - Tous droits réservés