Beast
Plate-forme : Blu-Ray
Date de sortie : 02 Novembre 2022
Résumé | Test Complet
Editeur :
Développeur :
Genre :
film
Multijoueur :
Non
Jouable via Internet :
Non
Test par

Redaction


7/10

Réalisé par Baltasar Kormákur.

Le cinéma de Baltasar Kormákur est de plus en plus un cinéma de chair et de sang, équilibré entre survivalisme et mélodrame. Le réalisateur avait déjà annoncé le tournant avec le précédent "A la dérive", mais peut-être que le germe de tout était déjà dans la séquence de la longue et désespérée fusillade de "Contrebande", toute en cris, panique et sifflements de balles. En ce sens, Beast apparaît bien comme une suite spirituelle d'A la dérive, avec en son centre Idris Elba, qui avait déjà expérimenté cette manière de concevoir l'aventure avec "La Montagne entre nous". L'acteur joue le rôle du Dr Nate Samuels, un médecin veuf qui part en Afrique afin de renouer avec ses deux filles, qui ne lui ont toujours pas pardonné d'avoir divorcé de leur mère juste avant qu'elle ne tombe malade. Ici, cependant, les trois devront faire face aux attaques soudaines d'un lion qui les considère comme une menace pour le troupeau. Les coordonnées sur lesquelles se déplace Kormákur rappellent donc celles de son précédent film, mais son regard semble désormais vouloir évoluer. Car si la structure du mélodrame reste bien en place (à partir d'un scénario qui s'attarde sur la dynamique complexe entre les trois et, surtout, qui dépeint le protagoniste dans toute son ambiguïté de père absent et presque hypocrite), Beast est un film indubitablement théorique, prêt à interroger de son point de vue les évolutions du regard du spectateur et sa relation avec le genre du survival et son imagerie. Le discours de Kormákur en ce sens est aussi lucide que désorientant : chaque confrontation avec le lion est en effet conçue comme un plan séquence fluide qui oscille entre des subjectifs irréels et un espace scénique constamment redéfini par les mouvements de caméra. Celui que poursuit Beast est le regard immersif du gamer, comme pour reconnaître que le survival n'est plus seulement un genre mais un véritable dispositif narratif qui façonne des imaginaires et des espaces médiatiques entiers, au premier rang desquels, sans aucun doute, le jeu vidéo. Et c'est ainsi que Beast devient une action ouvertement gamifiée, immersive, construite à partir de cette syntaxe, ballottée entre des " niveaux " de difficulté croissante et des personnages impliqués dans des événements en temps réel pour contrer des dangers imminents (mais il y a aussi, bien sûr, la mission " sniper ").

Il aurait pu s'agir d'une extraordinaire expérience conceptuelle, Beast, un survival d'action conscient de sa position dans le contexte médiatique contemporain. Cela aurait réussi, Kormákur, le film, tendu entre un Idris Elba prêt à se dépenser à tout va pour le bien de l'histoire et une problématisation fascinante du mélodrame aurait pu supporter le poids de l'ambition, mais la mise en scène semble effrayée par une telle approche intégrale. En effet, la seconde moitié de Beast perd une grande partie de son élan initial. L'écriture se referme sur les quatre murs du véhicule tout-terrain où les protagonistes trouvent refuge pour un temps, renonçant à explorer les possibilités narratives de la savane comme elle le faisait jusqu'à l'instant précédent. Le rythme ne baisse pas, grâce surtout à une caméra portée rythmée, mais à partir de ce moment-là, Beast est distrait, il prend soudainement un tournant écologiste, il fait se heurter les protagonistes à des contrebandiers, mais ce sont des repères hâtifs, que le scénario cherche à donner de la substance à une histoire qui, en réalité, n'a jusqu'à présent bien tenu que grâce à sa lucidité conceptuelle. Le film acquiert un rythme de plus en plus contrôlé et, surtout, révèle une conventionnalité narrative que certaines fioritures formelles avaient réussi à bien dissimuler. Kormákur ne trouve sa mesure dans cette nouvelle configuration que dans le dernier acte, qui est en tout cas hâtif mais sans doute résolu à vouloir trouver un équilibre entre le passé de tout un genre et le futur théorisé jusqu'à ce moment, entre un huis clos qui recommence, finalement de se déplacer librement dans l'espace (le dernier plan séquence, presque tout en intérieur, est presque dans la lignée du cinéma de Michael Bay, par moments, pour la fluidité avec laquelle il est traité) et un affrontement final qui semble une réinterprétation amusée de certains duels des grands films d'aventure des années 50. Mais celle de Kormákur est néanmoins une stratégie de sortie, un moyen de ramener tout le monde chez soi avant de perdre définitivement le contrôle du film. Et le plan est certainement payant à la fin.

VERDICT

-

Beast s'avère être un film d'action qui tente intelligemment de repenser un genre d'un point de vue nouveau, mais le sentiment est fort d'être face à un work in progress stimulant, une occasion de casser la baraque sur une certaine façon d'appréhender le cinéma que Kormákur n'a fait que préparer sans jamais vraiment la développer.

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