Résumé : Une des plus sales affaires de la Ve république. Le 1er octobre 1968, le corps de Stefan Markovic, un Yougoslave travaillant pour Alain Delon, est retrouvé dans une décharge. À partir de cette sordide histoire criminelle s'échafaude un incroyable complot politique destiné à mêler le nom des Pompidou à l'affaire. Une histoire de guerre de succession, de coup bas, d'affaire de mœurs inventée de toute pièce dans le but d'empêcher Georges Pompidou d'accéder à la présidence, par tous les moyens, même les plus sales.

Le Naour est un historien prolifique spécialiste du dernier siècle. On lui doit notamment une série d’ouvrages passionnants sur la grande guerre, qu’il délaisse ici pour évoquer l’un des grands scandales de la Vème République, qui eut raison de l’amitié du grand Charles et de Pompidou. De Gaulle, président dépassé mais orgueilleux, y est dépeint tel le vieil homme que mai 68 a révélé, et la course à son héritage semble plus que jamais ouverte, entre arrivistes aux dents longues et autres apprentis machiavéliques. Le Naour dépeint avec justesse la rudesse des coups portés, l’opportunisme de circonstances d’hommes dont l’avenir du peuple ne semble être qu’un vague moyen d’embrasser le pouvoir, la connivence déjà malsaine entre les milieux journalistiques, peoples et politiques, et l’utilisation de la rumeur comme arme de destruction massive. Pas de Fouquets, de fuite en scooter la nuit ou de bloggers écervelés à l’Elysée, mais déjà le pouvoir de l’image y est omniprésent dans la construction des hommes qui nous dirigent. Et même si le cynisme était déjà de rigueur, cela fait plaisir de se remémorer ces temps où nos politiques existaient aussi pour leur faculté à réformer et servir plus qu’à polémiquer sur le genre d’un barbecue, la tenue à porter à la piscine ou la souffrance des géraniums qu’on enferme dans des jardinières. Le dessin de Cassier sublime cette affaire, son trait anguleux donne du caractère à ses personnages et la précision de ses planches suffit à nous plonger de plein pied dans la France du crépuscule du général. Pompidou dira que « dans la vie des nations alternent la grandeur et la médiocrité ». Mettre en lumière la probité de cette figure inclassable nous rappelle, avant qu’il ne soit trop tard, qu’il est définitivement temps de songer à nouveau à l’alternance. Si nous ne parvenons à nous montrer à la hauteur des défis qui s’annoncent, d’autres s’en chargeront à nos dépens quand il sera trop tard.